05 décembre 2010

POUR TON ANNIVERSAIRE DE NAISSANCE

Le 27 novembre 2010.
Pour un samedi, je me lève de bonne heure.
Dans 9 jours, il y aura 27 ans que Michèle t’aura donné naissance.
Il neige. Hier, il a verglacé.
Je fuis. Au diable l’écriture, le montage, le boulot. Lecture, ordinateur, TV-HD : l’une ou l’autre de ces activités m’empêche de faire face au difficile.
À l’aide. Ce film, c’est trop pour un homme seul.

Je viens de moins en moins me recueillir ici.
Les appréhensions teintent fatalement l’approche des journées marquantes de ta brève existence.

Humeur du jour : La corruption digère même l’énergie du désespoir. Comme dans les républiques de bananes. « Ils n’en mourraient pas tous, mais tous étaient atteints !» C’est la peste...

Pendant ce temps, Javier, ton unique neveu, chante : « C’est la fête…C’est la fête... » de Fugain avec Gabrielle, au sortir de Big Bazar, à la salle Maisonneuve.

Lundi, Gabrielle va partir avec une amie en excursion dans le sud-est des Etats-Unis.

Dimanche. 
Wikileaks met à nue la diplomatie mondiale.
Il n’y a plus rien de sacré.
Si au moins la paix pouvait en bénéficier.
Épargnons des vies plutôt que des dollars.

Lundi. 
Élection partielle dans le comté de Kamouraska-Témiscouata : 64.15% des votes mettent fin à vingt-cinq ans de pouvoir libéral. Un peu d’air frais. Profitons-en.
La semaine prochaine, Jean Charest va se pointer à Tout le monde en parle et faire rire la galerie. Le lendemain, sa cote de popularité reprendra une tendance à la hausse.

Lues et retenues, ces recommandations de l’Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, au gouvernement:
-Abolir les élections des membres élus par la population au conseil d’administration des établissements.
-Restreindre le nombre de personnes au conseil d’administration.
-Interdire l’accès du public aux séances du conseil d’administration.

La démocratie est en santé au Québec pendant que la santé passe aux mains d’apparatchiks.

Mardi.
Toute une surprise au travail.
Il y a quatre Isabelle sur l’étage.
L’une est nutritionniste, ma voisine de bureau.
Je lui connaissais une passion : le voyage.
Elle rentrait du Rwanda et d’Ouganda à la mi-octobre.
Jeudi, elle s’envole avec son mari, cette fois, pour le Vietnam.
Au retour, ils seront trois. La petite a six mois.
Congé d’adoption. Retour, septembre 2011.
Personne au courant. Un choc.
L’émotion nous gagne parfois par des voies surprenantes.
L'Asie est venue me chercher de façon impromptue.

Mercredi.
Couché sur le ventre, un reflux gastrique le tire du sommeil.
Il roule sur le côté. Le vin. Son coeur. Une crampe.
Il a du mal à se rendormir. Quelle heure est-il ?
Ça cogne à la porte. Il étouffe un cri intérieur. Non.
Sa fille sillonne le sud-est des États-Unis, avec une amie.
Il imagine le pire.
A-t-il bien entendu ? Vont-ils frapper encore ?
Les secondes ont une éternité.
Réveiller sa compagne? Pas question. Ce genre de courage lui appartient.
Il tend l’oreille? Sueurs froides.
Ce doit être un rêve.
Ils dorment au deuxième étage, la porte de chambre fermée.
Jeter un coup d’oeil vers la fenêtre, ouvrir les paupières.
Encore un effort.
Si c’est la police, leurs feux rouges et bleus vont faire clignoter
le paysage dans la nuit.
Ils étaient allumés quant elle est passé pour son père, la 1ère fois.
Le coup suivant, quand il a entendu leurs pas sur la galerie,
il a su tout de suite que le pire était advenu.
Aurait-il la force cette fois, si…
Gaaab…s’il-te-plaît !!! Non. Je ne passerais pas au travers, cette fois.
Il entend marcher…lui semble-t-il.
Non. Il rêve un mauvais rêve.

Et moi qui ne m’en faisais plus pour les enfants, quand ils ont quitté la maison.

Jeudi.
Autre rouge, autre bleu.
Comme dans le chœur de l’église à tes funérailles.
Encore le rouge et le bleu.
Pas les drapeaux du Canada et du Québec. Non.
Ceux de l’université McGill et de l’Organisation des Nations-Unies.
Et je lis, comme par hasard, dans la Chute des Géants, le dernier roman historique de Ken Follet, sur la 1ère guerre mondiale. 
Il y est question, vers la fin, de la mise en place de la Société des Nations, ancêtre justement de l’ONU, pour éviter un autre conflit mondial : 
«Nous avons fait de notre mieux, dit-il. Mais nous avons échoué.
-Tu en es sûr ?
-Quand le président faisait campagne à plein temps, le succès ne tenait déjà qu’à un fil. Wilson malade, les chances de ratification par le Sénat sont nulles.»
Rosa lui prit la main. «Je suis navrée, dit-elle. Pour toi, pour moi, pour le monde entier.» Elle s’interrompit avant de demander : «-Que vas-tu faire ?
-Je vais essayer d’entrer dans un cabinet juridique de Washington spécialisé dans le droit international. J’ai quelque compétence dans ce domaine, après tout.»…

Et je pense invariablement, à ce qu’il serait advenu de toi si tu étais revenu de Beijing, vivant. 

Vendredi.
Pas besoin de forage du schiste dans les parages.
La maison est bâtie sur du roc fissuré, à quelques mètres de la surface du sol.
Le puits est contaminé par des coliformes fécaux d'animaux et des entérocoques; une odeur de purin s’en dégage.
Les vaches les plus proches sont à plus d’un kilomètre.
Rien de pareil depuis les trente-quatre années que nous demeurons ici.
Mais il pleut tellement. Les eaux de ruissellement ont trouvé le moyen de joindre la nappe phréatique.
Deux voisins sont dans la même situation avec des puits creusés plus récemment.

Se débattre contre la déprime collective et saisonnière, laisse bien peu d'énergie aux solutions.

Samedi.
Le temps des fêtes est lancé ; c’est la traditionnelle soirée de préparation des foies gras chez Nicolas et Anne-Julie.
Le 1er de l’An, on le servira au déjeuné, comme d’habitude.
Mais il faudra se passer de tes charmants commentaires sur sa saveur, sa couleur et son vin d’accompagnement.

Le dimanche 5 décembre 2010.
Bonne fête mon grand.
On a eu ce courriel de Yumiko tantôt :
Chers Michèle et Francois,
Un petit mot pour vous dire que je pense très fort à Laurent et à vous aujourd'hui. Je sais que c'est un jour particulièrement difficile dans votre famille... J'espère que vous arriverez quand même à prendre un verre en son honneur!
De mon coté, je suis toujours à Washington. Je continue à préparer mes dossiers pour retourner aux études, et j'ai pris un job temporaire pour pouvoir faire un peu d'argent avant de retourner au Pérou en février.
Grosses bises,
Yumiko

MERCI  YUMIKO