16 décembre 2006

UN LIVRE UTILE 61

Le lundi 28 mars 2005
Je viens d’apprendre à Yumiko que je ne pourrai pas l’accueillir à Ottawa dès que nous finirions les examens. Les implications sont énormes. Je me sens moins que rien. Elle passera son été à voyager : Paris, Lyon, le Japon. Moi je serai au Parlement, en train de faire de la putain d’interprétation historique.
Je viens de lui apprendre que ce n’était pas possible pour les deux premières semaines de mai. Pour elle, ce ne le serait pas avant septembre. Pour ajouter à cette douleur, les examens commencent dans deux semaines. Ce que tout çà veut dire, c’est que notre relation prend le bord pour le mois. C’est presque le double de ce que nous avons vécu l’été dernier.
Je sais qu’elle m’en veut, Elle m’en veut de ne pas lui avoir dit avant. Elle m’en veut de ne pas avoir le courage de faire la formation épuisante des trois premières semaines en sa compagnie. Elle m’en veut aussi peut-être d’avoir à travailler pour payer mes études. Elle m’en veut peut-être aussi d’avoir à m’accompagner à Science Po. à Paris, l’an prochain. Elle m’en veut aussi peut-être aussi de lui avoir annoncé que j’ai eu de la difficulté à revenir avec elle lorsque nous nous sommes retrouvés en septembre 2004, après trois mois et demi d’absence.
Ce qu’il y a de certain, c’est que les prochains mois s’annoncent difficiles. J’ai mille trucs à faire pour l’été et l’an prochain, ainsi que des attentes qui, j’en ai peur, peuvent être brisées par une désillusion complète.
Je viens de terminer de regarder un film « Le Talentueux Monsieur Ripley » avec Matt Damon et Gwyneth Paltrow. C’est l’histoire d’un jeune homme pauvre, qui par ses talents et par des mensonges sur qui il est, réussit à s’immiscer dans la haute société. Je crois que ce que j’essaie de dire vraiment, c’est que j’ai parfois l’impression de m’approprier une vie qui n’est pas la mienne. Mes amis viennent tous d’une classe différente de la mienne. Je me demande s’ils s’aperçoivent parfois que je ne suis pas vraiment un des leurs. Les mêmes questions, je me les pose au sujet de Yumiko. Il m’arrive parfois de déceler ce genre d’attitude chez elle. Une attitude qui se doute fort bien mais qui préfère tout simplement ne pas y porter attention ou même enterrer cela profondément en espérant qu’elle disparaisse. L’identité ne disparaît jamais.
Cette identité, j’ai moi-même de la difficulté à l’identifier vraiment. J’ai de la difficulté à discerner ce qu’il y a de vrai en moi. Les seules choses pour lesquelles j’ai une certitude sont celles qui me donnent des frissons, les choses pour lesquelles j’éprouve un sentiment immédiat, spontané, irréfléchi.

Qu’est-ce que je m’en vais faire à Paris un an ? Qu’est-ce que je vais faire au Parlement , cet été ? S. , je l’ai senti quelques fois, souhaite me demander cette même question pour ma copine. Mais il ne le fait pas. Je pense qu’il la passe par autrui. Il ne dit rien par peur de me blesser. De déstabiliser mon système de pensée, mes valeurs, ce que je crois être mes convictions. Mais qu’est-ce qui pèse aussi lourdement sur moi ? Mon passé ou est-ce mon père ? Où est-ce le passé de mes ancêtres ?
La clef à mon identité, que je ne connais pas, je la trouverai peut-être dans ce qui pèse aussi lourdement sur moi. Cet élément du passé et ceux de mon père qui m’empêchent d’avancer et faire de l’espace dans mon esprit pour du nouveau, pour du beau.
L0

1 Comments:

At 9:35 p.m., Anonymous Anonyme said...

Le vide, l'angoisse, les frissons...
« Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs.
Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu’on porte en soi, devant cette espèce d’insuffisance centrale de l’âme qu’il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr. »
(Nicolas Bouvier)

La fulgurance, l'urgence...
"Un jour
un jour prochain
on te reprendra ta voix, Gribouille
et rien ne servira d'aller gémir et gratter
comme un chien derrière les portes closes

Un jour
et c'est bientôt
on te reprendra ta vie, vagabond
la neige et le chardon auront témoigné contre toi
il n'y aura plus que quelques mains apeurées
pour applaudir en grelottant sous le gibet
ce sera comme un galop étouffé
comme une chanson noire et ancienne
mais si familière et si tienne
que tu battras des mains toi aussi

Un jour
et c'est demain
tu seras dépecé, petit frère
et l'étal blême de la lune se couvrira de mouches

Parle donc et fais vite
nous n'avons plus le temps
"même si ce ne sont que lèvres qui remuent"
le lacet est bientôt serré"
(NB, 1977)

 

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