DÉMÉNAGEMENT #1
J’attends Carmen à 9 h 30 ; elle arrive à 10 h 30. Cela m’inquiète un peu ; je dois rester là et ne peut quitter avant qu’elle n’arrive. Je brûle d’envie d’aller repérer le bloc de ce complexe hôtelier, datant des années 50, où se trouve l’appartement où Laurent a résidé.
J’ai un peu le temps de poursuivre la lecture des Contemplations de Victor Hugo, commencées avant mon départ.
Quand elle arrive avec des sandwiches d’une cantine de l’Hôtel Kempinsky, je la trouve marrante…Elle m’explique à quel point c’est sécurisant de payer un peu plus cher pour s’assurer d’une saine nourriture; avec la fondue de la veille, je suis disposé à lui donner cent pour cent raison ; j’aime beaucoup les mets épicés, mais à ce point-là…
Carmen voudrait partir tout de suite ; elle n’aime pas l’endroit. Je lui demande d’attendre le temps d'explorer l'environnement extérieur puisque je dois revenir; je lui remets tous les documents que j'ai apportés: depuis la demande de financement de film au Conseil des Arts du Canada jusqu’au rapport du coroner de Chine, tout y est classé, chronologiquement. Sur le dessus, la dernière pièce au dossier: la lettre reçue de Susan H. ; cette australienne qui aura été la dernière congressiste à avoir vu Laurent vivant; elle avait passé une partie du dimanche avec lui et l'avait accompagné, avec ses amis, à la Clinique SOS Internationale ; il m’a fallu presque dix-huit mois pour obtenir sa version des faits.
Je quitte avec la caméra et le trépied. Soushiant et Laura S. m’ont fourni suffisamment d’informations pour m’orienter dans les méandres de ce vaste jardin intérieur que sillonnent lentement des taxis et des véhicules à l’ombre de tous ces arbres en pleine floraison.
J’aurai le temps de repérer le bloc d’appartements où Laurent a résidé . Il me faut revenir en vitesse. Des crampes intestinales m’y obligent.
Pendant que Carmen discute du point de vue de Susan H. sur l’état psychologique de Laurent, je ne suis préoccupé que par une chose : pour les trois derniers jours de mon séjour, me sera-t-il possible de réserver l’appartement où a résidé Laurent? Sera-t-il libre ?
Oui, c’est fait. Le 61843 sera à moi les 10-11-12 avril. Tout augure pour le mieux.J’ai un peu le temps de poursuivre la lecture des Contemplations de Victor Hugo, commencées avant mon départ.
Quand elle arrive avec des sandwiches d’une cantine de l’Hôtel Kempinsky, je la trouve marrante…Elle m’explique à quel point c’est sécurisant de payer un peu plus cher pour s’assurer d’une saine nourriture; avec la fondue de la veille, je suis disposé à lui donner cent pour cent raison ; j’aime beaucoup les mets épicés, mais à ce point-là…
Carmen voudrait partir tout de suite ; elle n’aime pas l’endroit. Je lui demande d’attendre le temps d'explorer l'environnement extérieur puisque je dois revenir; je lui remets tous les documents que j'ai apportés: depuis la demande de financement de film au Conseil des Arts du Canada jusqu’au rapport du coroner de Chine, tout y est classé, chronologiquement. Sur le dessus, la dernière pièce au dossier: la lettre reçue de Susan H. ; cette australienne qui aura été la dernière congressiste à avoir vu Laurent vivant; elle avait passé une partie du dimanche avec lui et l'avait accompagné, avec ses amis, à la Clinique SOS Internationale ; il m’a fallu presque dix-huit mois pour obtenir sa version des faits.
Je quitte avec la caméra et le trépied. Soushiant et Laura S. m’ont fourni suffisamment d’informations pour m’orienter dans les méandres de ce vaste jardin intérieur que sillonnent lentement des taxis et des véhicules à l’ombre de tous ces arbres en pleine floraison.
J’aurai le temps de repérer le bloc d’appartements où Laurent a résidé . Il me faut revenir en vitesse. Des crampes intestinales m’y obligent.
Pendant que Carmen discute du point de vue de Susan H. sur l’état psychologique de Laurent, je ne suis préoccupé que par une chose : pour les trois derniers jours de mon séjour, me sera-t-il possible de réserver l’appartement où a résidé Laurent? Sera-t-il libre ?
On emprunte le 6e périphérique, pour se rendre, en taxi, près du quartier des ambassades, au 18e étage d’un édifice récent, à l’appartement de Carmen. C’est un petit loft charmant qui débouche sur une fenêtre panoramique; une pièce fermée, la salle de bain. Je vais dormir sur le canapé qui fait divison de la cuisine pour le salon.
Il y a fort peu de chance que je reste là longtemps. On se pilera vite sur les pieds.
D'ailleurs, nous partons presqu’aussitôt pour l’ambassade du Canada.
Des militaires chinois donnent accès à toutes les ambassades.
Nous nous buttons à une porte close. Impossible de passer, malgré mon passeport : les heures d’ouverture sont le matin. Carmen fait une scène aux gardiens qui se trouvent derrière un guichet, insiste pour que j’insiste, intervient, dénonce, les traitent de « carpes » dans notre langue maternelle. Je lui fais comprendre poliment qu’il s’agit de mes affaires et que cela ne donne rien de s’énerver. J’obtiens un rendez-vous pour le lendemain avec la consul Eva Hue.
Nous repartons en taxi ; elle me signale l’emplacement de la Clinique S.O.S., qui est à deux coins de rue de l’ambassade. Elle doit voir son médecin dans une autre clinique : une piqûre d’insecte infectée ; c’est dans un édifice à bureau de l’Hôtel Kempinsky. Je me rends compte dans les galeries de ce 5 étoiles d'une trentaine d'étages et dont le hall est tout de marbre vêtue, que je pourrais être aussi bien être à New-York ou San Francisco; ce n'est pas la première fois que je trouve que tous les centre-villes du monde finissent par se ressembler, ne ménageant pas souvent ce qui les distinguait.
Quelqu’un qui nous entend parler français nous salue ; il fait cirer ses souliers par un chinois en costume traditionnel; c’est un avocat de Québec, qui travaille là, aux étages supérieurs, dans des transactions financières, « pour la paix » semble-t-il ? Sans vraiment savoir pourquoi, j’aurais volontiers pris un verre avec lui. Les démêlés de Carmen avec une autre firme d’avocats, lui parurent de peu d’intérêts.
Puis dans le dédale des galeries des grands joailliers, couturiers ou parfumeurs de ce monde, nous aboutissons à la cantine où elle s’était procurée les sandwiches du petit-déjeûner. J’ai l’impression de me retrouver au Mail Champlain, sur le boulevard Taschereau. Je prendrai seulement un café pendant que Carmen raconte l’aversion qu’elle porte à cette caissière.
J'ai besoin d'un téléphone cellulaire. Autre taxi, c’est fait; dans un magasin Carrefour, chaîne française, le modeste achat d'une soixantaine de dollars s'effectue par signes et autres manifestations de signes d'impatience. Les brusqueries de Carmen avec les autochtones, commencent à m’épuiser; est-ce sa façon de sauver sa peau dans cet univers dont elle me renvoît presque constamment l'hostilité permanente? ou y a-t-il moyen de faire autrement?
Quelques semaines plus tard, c'est devant les magasins de cette chaîne que se dérouleront des manifestations anti-françaises dues aux incidents parisiens de la flamme olympique.
Autre taxi : le marché d’alimentation. Tout semble frais; beaucoup de légumes, poissons, crustacés, volailles...Elle choisit des steaks. C'est là qu'on trouve aussi les détergents, shampoings, chasse-moustiques, lotions, cosmétiques bon marché...
C’est à l’intérieur des commerces que j’ai vraiment ressenti qu’il y avait beaucoup de monde en Chine; à moins que ce ce soit un penchant naturel à me retrouver dans quelques temples de la consommation. J'ai horreur des files d'attentes, surtout celles des caisses enregistreuses. Dehors, les grandes avenues et les larges trottoirs permettent d’éviter le sentiment d’étouffement; je ne parle pas des poumons.
Autre taxi : de retour à l’appartement pour un agréable repas fait maison et une bonne bouteille de vin acheté à l’aéroport de Washington DC. On fait le tour des amis communs, de l’expérience de la traversée avec Pierre, son grand copain, de nos expériences de vie professionnelle, de nos réussites et de nos échecs, et des plans que je dresse pour en apprendre davantage sur les circonstances de la mort de Laurent.
J’échange aussi sur la forme que je cherche à trouver pour intégrer au tournage du film. J’aimerais nous saisir en plein dialogue, l'un en face de l'autre, en train de faire le point, à la fin d'une journée. Mais ne sais pas encore ni où, ni quand ?
Il est question de son ami chinois qui parle anglais et qui lui a révélé l'accident mortel d’un jeune canadien, avant qu'elle n'apprenne par Pierre, notre ami commun, qu'il s'agissait de Laurent, mon fils et celui de Michèle. Ce voisin d'alors, lui avait signalé et traduits des articles de journaux ou des nouvelles télévisées évoquant un enlèvement, une disparition, une poursuite. Elle va l’appeler demain pour voir s’il peut retracer ces articles sur le web.
Je viens en Chine vérifier ce qu’il peut y avoir de vrai dans tout çà.
Je pense que ce sera facile si on se divise comme çà le travail par deux; je crois comprendre qu'elle est entre deux contrats et qu'elle peut organiser son temps comme bon lui semble.
Moi, je suis prêt à rencontrer les autorités policières et leur demander l’autorisation de communiquer avec des témoins.
Je demanderai de l’aide à l’ambassade pour y arriver. Je vérifierai aussi sur place, à la Clinique SOS Internationale, les éléments contradictoires soulevés par Carmen et Rosalie T., lors de la visite-éclair qu’elles ont effectuée en juin 2006. Je garderai pour les derniers jours, les rencontres avec des jeunes chinoises qui ont croisé Laurent au World MUN.
J'offre à Carmen de faire la vaisselle ; elle refuse ; elle la fera demain.
Les nombreux déplacements d’aujourd’hui, cet appartement, cette cuisine, les sites visités, le divan qui m’attend et le ton de cette longue conversation amicale me donnent l’impression que je suis encore en Amérique et loin d’être en Chine.
Je n’aurai aucun mal à m’endormir.
Il y a fort peu de chance que je reste là longtemps. On se pilera vite sur les pieds.
D'ailleurs, nous partons presqu’aussitôt pour l’ambassade du Canada.
Des militaires chinois donnent accès à toutes les ambassades.
Nous nous buttons à une porte close. Impossible de passer, malgré mon passeport : les heures d’ouverture sont le matin. Carmen fait une scène aux gardiens qui se trouvent derrière un guichet, insiste pour que j’insiste, intervient, dénonce, les traitent de « carpes » dans notre langue maternelle. Je lui fais comprendre poliment qu’il s’agit de mes affaires et que cela ne donne rien de s’énerver. J’obtiens un rendez-vous pour le lendemain avec la consul Eva Hue.
Nous repartons en taxi ; elle me signale l’emplacement de la Clinique S.O.S., qui est à deux coins de rue de l’ambassade. Elle doit voir son médecin dans une autre clinique : une piqûre d’insecte infectée ; c’est dans un édifice à bureau de l’Hôtel Kempinsky. Je me rends compte dans les galeries de ce 5 étoiles d'une trentaine d'étages et dont le hall est tout de marbre vêtue, que je pourrais être aussi bien être à New-York ou San Francisco; ce n'est pas la première fois que je trouve que tous les centre-villes du monde finissent par se ressembler, ne ménageant pas souvent ce qui les distinguait.
Quelqu’un qui nous entend parler français nous salue ; il fait cirer ses souliers par un chinois en costume traditionnel; c’est un avocat de Québec, qui travaille là, aux étages supérieurs, dans des transactions financières, « pour la paix » semble-t-il ? Sans vraiment savoir pourquoi, j’aurais volontiers pris un verre avec lui. Les démêlés de Carmen avec une autre firme d’avocats, lui parurent de peu d’intérêts.
Puis dans le dédale des galeries des grands joailliers, couturiers ou parfumeurs de ce monde, nous aboutissons à la cantine où elle s’était procurée les sandwiches du petit-déjeûner. J’ai l’impression de me retrouver au Mail Champlain, sur le boulevard Taschereau. Je prendrai seulement un café pendant que Carmen raconte l’aversion qu’elle porte à cette caissière.
J'ai besoin d'un téléphone cellulaire. Autre taxi, c’est fait; dans un magasin Carrefour, chaîne française, le modeste achat d'une soixantaine de dollars s'effectue par signes et autres manifestations de signes d'impatience. Les brusqueries de Carmen avec les autochtones, commencent à m’épuiser; est-ce sa façon de sauver sa peau dans cet univers dont elle me renvoît presque constamment l'hostilité permanente? ou y a-t-il moyen de faire autrement?
Quelques semaines plus tard, c'est devant les magasins de cette chaîne que se dérouleront des manifestations anti-françaises dues aux incidents parisiens de la flamme olympique.
Autre taxi : le marché d’alimentation. Tout semble frais; beaucoup de légumes, poissons, crustacés, volailles...Elle choisit des steaks. C'est là qu'on trouve aussi les détergents, shampoings, chasse-moustiques, lotions, cosmétiques bon marché...
C’est à l’intérieur des commerces que j’ai vraiment ressenti qu’il y avait beaucoup de monde en Chine; à moins que ce ce soit un penchant naturel à me retrouver dans quelques temples de la consommation. J'ai horreur des files d'attentes, surtout celles des caisses enregistreuses. Dehors, les grandes avenues et les larges trottoirs permettent d’éviter le sentiment d’étouffement; je ne parle pas des poumons.
Autre taxi : de retour à l’appartement pour un agréable repas fait maison et une bonne bouteille de vin acheté à l’aéroport de Washington DC. On fait le tour des amis communs, de l’expérience de la traversée avec Pierre, son grand copain, de nos expériences de vie professionnelle, de nos réussites et de nos échecs, et des plans que je dresse pour en apprendre davantage sur les circonstances de la mort de Laurent.
J’échange aussi sur la forme que je cherche à trouver pour intégrer au tournage du film. J’aimerais nous saisir en plein dialogue, l'un en face de l'autre, en train de faire le point, à la fin d'une journée. Mais ne sais pas encore ni où, ni quand ?
Il est question de son ami chinois qui parle anglais et qui lui a révélé l'accident mortel d’un jeune canadien, avant qu'elle n'apprenne par Pierre, notre ami commun, qu'il s'agissait de Laurent, mon fils et celui de Michèle. Ce voisin d'alors, lui avait signalé et traduits des articles de journaux ou des nouvelles télévisées évoquant un enlèvement, une disparition, une poursuite. Elle va l’appeler demain pour voir s’il peut retracer ces articles sur le web.
Je viens en Chine vérifier ce qu’il peut y avoir de vrai dans tout çà.
Je pense que ce sera facile si on se divise comme çà le travail par deux; je crois comprendre qu'elle est entre deux contrats et qu'elle peut organiser son temps comme bon lui semble.
Moi, je suis prêt à rencontrer les autorités policières et leur demander l’autorisation de communiquer avec des témoins.
Je demanderai de l’aide à l’ambassade pour y arriver. Je vérifierai aussi sur place, à la Clinique SOS Internationale, les éléments contradictoires soulevés par Carmen et Rosalie T., lors de la visite-éclair qu’elles ont effectuée en juin 2006. Je garderai pour les derniers jours, les rencontres avec des jeunes chinoises qui ont croisé Laurent au World MUN.
J'offre à Carmen de faire la vaisselle ; elle refuse ; elle la fera demain.
Les nombreux déplacements d’aujourd’hui, cet appartement, cette cuisine, les sites visités, le divan qui m’attend et le ton de cette longue conversation amicale me donnent l’impression que je suis encore en Amérique et loin d’être en Chine.
Je n’aurai aucun mal à m’endormir.
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