02 octobre 2006

UN LIVRE UTILE 35

Jeudi 18 août 2004

Un autre moment de solitude qui me permet d’écrire ces quelques lignes. J’ai peu d’inspiration. On dirait que les quelques minutes de télévision qui ont suivi l’intense et passionnante réflexion sur Éducation Européenne de Romain Gary, ont complètement anéanti la beauté tragique des leçons que tire le personnage principal du livre.


Tourmenté par les atrocités de la guerre, un jeune garçon se retrouve parmi la résistance, profondément enfoui dans la dense forêt polonaise. Durant les durs hivers, la perte de sa famille, les viols de sa copine et la famine, il apprend de dures leçons de vie. À la fois pessimiste mais aussi juste je crois, soulève la nature humaine dans ses aspects sombres et intraitables.

Il écrit : « En Europe, on a les plus vieilles cathédrales, les plus vieilles et plus célèbres universités, les plus grandes librairies et c’est là qu’on reçoit la meilleure éducation. De tous les coins du monde, il paraît qu’on vient en Europe pour s’instruire. Mais à la fin, ce que toute cette fameuse éducation européenne nous apprend, c’est comment trouver le courage et les bonnes raisons, bien valables, bien propres, pour tuer un homme qui ne vous a rien fait… »

Il conclut d’une manière qui me laisse perplexe mais qui malheureusement semble indiquer une vérité difficilement révocable : « Le lieutenant Twardowski prend dans sa poche le petit volume et le dépose par terre sur le chemin des fourmis. Mais il faudrait bien autre chose pour détourner les fourmis de la route millénaire. Elles grimpes sur les obstacles et trottent, indifférentes et pressées sur les mots amers tracés sur le papier en grandes lettres noires : ÉDUCATION EUROPÉENNE Elles trainent avec obstination leurs brindilles ridicules. Il faudrait bien autre chose qu’un livre pour les forcer à s’écarter de leur Voie, la Voie que des milliers d’autres fourmis encore avaient tracée avant elles. Depuis combien de millénaires peinent-elles ainsi ; et combien de millénaires lui faudra-t-il peiner encore, à cette race ridicule, tragique et inlassable ? Combien de nouvelles cathédrales vont-elles bâtir pour adorer le Dieu qui leur donna des reins aussi frêles et une charge aussi lourde ? À quoi sert-il de lutter et de prier, d’espérer et de croire ? Le monde où meurent et souffrent les hommes est le même que celui où meurent et souffrent les fourmis: un monde cruel et incompréhensible où la seule chose qui compte est de porter toujours plus loin, à la sueur de son front et au prix de ses larmes de sang, toujours plus loin ! sans jamais s’arrêter pour souffler ou pour demander pourquoi ?... « Les hommes et les papillons… » »


Je suis pressé par le temps et aussi mal à l’aise de répondre aux conclusions. Pour des raisons que j’expliquerai en détails plus tard ( ?) beaucoup dépend de ces quelques lignes. Mon école de pensée politique, ma grille analytique et même mes relations interpersonnelles dépendent de ces conclusions.

Lo

http://www.romaingary.org/educationeuropeenne.php