01 juin 2008

DÉMÉNAGEMENT #2 (suite)

La carte de la ville m’indique qu’en allant à gauche en sortant du restaurant, je devrais arriver au 6e périphérique, une autoroute urbaine, comme le boulevard métropolitain. Comme je ne le perçois pas au bout de la longue avenue que je longe depuis une dizaine de minutes, je pense être mal orienté; je comprendrai plus tard que périphérique est encaissé et pas nécessairement élevé. J'ai pourtant franchi un canal auquel des amies de Laurent ont déjà fait référence.
En rebroussant chemin, un étudiant chinois, (il a des livres dans les mains) me bloque le passage; dans un anglais incompréhensible, il sollicite mon aide. Haussement d’épaule de ma part, je poursuis ma route.
Premier appel sur mon nouveau cellulaire.
Carmen commence par me dire que la consule veut que je la rappelle.
-Je vais voir si je peux la joindre au téléphone, sinon je vais aller directement à l’ambassade; je ne suis pas très loin.
-Autre chose. Il va falloir que tu quittes aujourd’hui. Je n'arrête pas de tousser à cause de ta lotion. C’est vraiment trop petit ici.
-Je suis vraiment désolé. Ne t’en fais pas pour moi. Penses-tu pouvoir me trouver une chambre jusqu'au 10 avril?
-Je vais essayer au Home Inn Hotel, c'est très correct comme endroit...
En fermant mon cellulaire, l'étudiant de tantôt se représente à nouveau.
-I get my lot of shit today; please let me go.
Il a compris que j'avais autre chose à faire que de m'occuper de lui.

À l’ambassade, madame Hue m’emmène dans son bureau, s’assoit et, après quelques secondes de silence, me demande ce qu’elle peut faire pour moi.
Surpris.
-On m’a dit que vous vouliez me voir. J’ai laissé un message tantôt sur votre répondeur. Comme j’étais dans le quartier, je suis passé.
-Ce n’était que pour confirmer le rendez-vous de ce matin.
Nous partageons un sourire amusé. Je m'excuse pour cette erreur de communication.

Au coin de la rue, je hèle un taxi qui fait demi-tour. Je me rends compte assez vite que je n’ai pas d’adresse de retour et que je ne saurais indiquer au chauffeur le parcours; cellulaire.
-Salue Carmen, çà va? Comment je fais pour retrouver ton building.
-Ouais, c'est vrai...
Après quelques secondes de silence.
-Téléphone à ADL, la messagerie devant laquelle tu es passé ce matin, au coin du parc pas loin de chez moi; il y a quelqu’un là qui parle anglais…65 32 65 36. Demande-leur d’expliquer au chauffeur où c’est?
-C’est quoi encore le numéro.
Vais-je être capable de le retenir; j'ai l'impression que les choses vont tellement vites.
-65 32 65 36...

J’essaie… C’est occupé. Je réessaie…C’est occupé. Ais-je fait le bon numéro?
Le chauffeur attend. Le moteur roule. Il n’a pas encore démarré son compteur.
-Allo Carmen. Es-tu certaine du numéro? C’est toujours occupé.
-‘Scuse-moi…C’est souvent comme çà… Ils ont plusieurs numéros…Essaie le 65 37… 65 32 65 37.
J'ai eu le temps de sortir un stylo et note pendant qu'elle poursuit
-Quand tu seras rendu à l’appartement; tu diras au chauffeur d'attendre, ta valise est faite.
-Je ne connais que le chemin à pied au travers du parc. Je ne me souviens pas du trajet par les rues.
-Rappelle-moi quand tu seras à DSL.

Le chauffeur ne semble pas s'impatienter. Est-ce de la courtoisie?

Autre essai sur le clavier. Çà sonne et çà répond en chinois…
-Is there somebody there who talk english?
Silence. Je répète.
J'entends des gens qui semblent s'interpeler.
J'attends, j'attends, j'attends...
-Yes..Hello...
Shakespeare m'inspire les mots qu'il faut pour remettre mon cellulaire au chauffeur qui semble bien content d'avoir un congénère au bout du fil.

Compteur. Nous démarrons enfin.
Ce chauffeur est vraiment patient et sympathique.

Quelques minutes plus tard, je re-téléphone à Carmen et c’est du haut de son 18e étage qu’elle nous pilote; je relaie au chauffeur ces indications: à droite, à gauche, continue.
-OK, je me reconnais
À l’arrivée, je dois faire comprendre au chauffeur de m'attendre; il monte sur le trottoir et s'arrête. Je le trouve vraiment compréhensif et il ne semble nullement inquiet que je le quitte sans lui avoir laissé un sou.

Je m’engouffre au pas de course dans l’immeuble, prend l’ascenseur, frappe à la porte.
Carmen ouvre et pousse ma grosse valise devant elle; elle me rend mon sac à dos et la caméra. J’éclate de rire; la situation me semble loufoque; c'est la première fois de ma vie que j'arrive et pars si rapidement de chez quelqu’un.
-Je vois pas ce qu'il y a de drôle. Je n'arrête pas de tousser depuis ce matin.
-Je suis vraiment désolé.
Je lui demande si elle n’a rien oublié.
-Me prends-tu pour une voleuse?
-Pas du tout. As-tu réussi à me trouver une chambre?
-Non, mais on va en trouver une. J'ai l'impression que tu es fâché.
-Pas du tout. Je trouve çà plutôt cocasse.

Taxi. Direction Home Inn Hotel, à une distance marchable de chez elle où une heure auparavant, on lui aurait répondu qu’il n’y avait plus de place. Durée de la course depuis l'ambassade: une heure trente minutes maximum, 7$. Même si ce n'est pas la coutume ici, cette fois, je laisse un pourboire; cela me vaut un magnifique sourire.
À la réception, du 2 au 10 avril, pour 8 jours, çà passe comme une lettre à la poste ; 42$ par jour, une aubaine. Petit déjeûner 1,15$ en sus, au besoin.
Ascenseur pour le deuxième étage; nous nous retrouvons quelques minutes plus tard dans une grande chambre avec toilette, douche et lavabo. Carmen verrouille les fenêtres, tire les rideaux. Le rangement est limite. Elle retourne à la réception exiger des cintres... Je m'en serais occupé, sauf que...elle est bien plus vite que moi.
Merci. Il est temps d'aller souper.
(À suivre)