23 mai 2009

MONTAGE 14

J’ai traversé le Rhin.
Mais avant, à Cologne (Köln), j'ai fait une pause dans sa cathédrale gothique, plantée, gigantesque, monument le plus visité d’Allemagne, à deux pas de la nouvelle gare. Par recueillement, dans l’ombre des vitraux épargnés, Dieu sait comment, par les bombardements américains de la dernière guerre… et pour changer la cassette vidéo.
Le train pour Düsseldorf ne part que dans 30 minutes.
J’ai rendez-vous avec Sasha Peters, 19 ans, le seul membre du Disarmament and International Security Committee (DISEC) à avoir travaillé avec Laurent, qu’il me sera possible de rencontrer.
Il était à Beijing « …to work on a topic of preventing terrorism or…(sourire pour être politically correct) not terrorist but sub-national groups to acquire nuclear material and to prevent cross-border and transfer of these materials. » me raconte-t-il.

En fait le sujet officiel est :
Establishing Protocols To Prevent The Transfer Of Nuclear Weaponry And Technologies To Sub-National Organizations.

Je veux comprendre ce qui s’est passé dans ce Comité, le rôle que Laurent y a joué.
Ils ont formé une gang autant pour s’amuser que pour travailler. Ils ont joué leurs personnages de diplomate, représentants un pays qui n’était pas le leur, mais dont ils devaient défendre la position officielle, connue sur la base d’une recherche. Du théâtre, de l’improvisation bien préparée, un grand jeu, une simulation de cerveaux universitaires à l’oeuvre.
Le groupe de Laurent a surtout fait du lobbying.
Beaucoup. De la coulisse. Convaincre un à un d’autres délégués.
Pour en arriver à une résolution finale que Sasha considère très diluée.

À l’extérieur, Georges Bush pourfend l’Iran et la Corée du Nord de sa rhétorique guerrière.
Moins d’un mois plus tard, pressé par les aigles d’exercer des frappes préventives en Iran,
il préférera enfin la diplomatie et s’y tiendra jusqu’à la fin de son mandat.

Çà n’a rien à voir avec ce Harvard World MUN, organisé par l'une des plus prestigieuse université américaine.

Il est probablement paranoïaque d’imaginer que des services secrets puissent s’intéresser
à de si insignifiants échanges. Et il y a sûrement de meilleurs endroits pour observer et recruter des intelligences motivées par les relations internationales.

En mon propre âge naïf, j’ai pourtant souvenance d’avoir foncé tête première, dans un certain Colloque du Mont-Sainte-Marie, précédant le 1er référendum québécois et financé (à notre insu par Unité-Canada); tout y avait été mis en scène pour nous faire imaginer émotivement et rationnellement une constitution canadienne de 5 régions, en se servant des leaders de l’industrie cinématographique indépendante coast to coast. Enregistrement video complet pendant 5 jours.

Comment ne pas avoir en tête le montage d'un film visionné quelques années auparavant, LA SPIRALE; réalisé en 1974, par Armand Mattelart, ce documentaire fabriqué de matériel d’archives démontre comment les États-Unis avaient planifié le renversement de Salvador Allende au Chili. L'élément structurant est inspiré d’un “ jeu commandité en 1965 par le Pentagone à la Fletcher School of Law and Diplomacy et un think tank, ABT Associates Inc., de Cambridge, dans le Massachusetts. Politica… Ce qui est important dans un modèle de simulation – et les inventeurs du « kriegspiel » ou « jeu de la guerre » le savent de tout temps –, c’est la façon dont les maîtres du jeu testent un lot d’hypothèses sur l’évolution d’une situation afin de dégager les stratégies et agencements probables des différents joueurs. « Politica » testait plusieurs scénarios et mettait en scène toute une série de variables et de protagonistes.”


http://www.conflits.org/index17293.html