15 avril 2007

E-MAILS 7


Mardi le 6 décembre 2005

To: Fabien Ortiz

Cette “poésie redoutable” !!! Bien dit! Mon cher Fabien, quel plaisir d’avoir de tes nouvelles, de percevoir tes perceptions sur ce changement qui s’installe dans la nature autour de nous. Un désir irrésistible d’y ajouter notre touche, de prendre contrôle de cette nature, de cette lumière qui se fait de plus en plus rare. C’est cette lumière à laquelle nous ne pouvons que contempler l’existence passée. Perdant son intensité de jour en jour, elle nous rappelle que notre énergie vitale en est dépendante. Douce lumière revient nous ! La contemplation de cette beauté divine qui s’éloigne de nous chaque jour est pénible, déprimante! Que faire : Contempler ? Agir ?

On dit parfois qu’un silence - la contemplation de l’inexistante, du vide- parle plus que les mots de la colère, du mépris, de la joie et de l’amitié. Car entre ces émotions, les paroles qui extériorisent ces émotions et la pensée qui les sous-tend se trouve souvent un gouffre dont l’immensité et la profondeur ont de quoi faire frémir les plus courageux, les plus vertueux. C’est, je crois, un des objectifs les plus nobles de l’étudiant que de tendre vers l’expression la plus juste de sa pensée. Mais au-delà d’efforts plus souvent vains que triomphants se trouve une certitude plus angoissante encore que le silence : cette contemplation du néant. Cette contemplation est prédestinée à survivre éternellement ou est-ce plutôt l’existence d’une logique d’inaction ancienne qui nous rend si contemplatif de notre mélancolie ?

L’écriture recèle parfois un sens sournois, angoissant, troublant. Par l’écriture, nous qui aimerions tant assumer le monde par l’action savons trop peu souvent en quoi cette écriture est chargée d’une réalité parallèle au sens destiné, en quoi elle est puissante, en quoi elle recèle peut-être une clef. Entre l’étant dans lequel nous sommes et l’étant entre lequel nous nous affichons se trouve la seule base véritable de la critique constructive de cette écriture. À l’incompréhension de ce monde, ne peut s’ajouter l’incompréhension de ce que nous pouvons en faire, ni de ce qu’on peut y représenter, tant insignifiant que l’on puisse être.

Voilà, c’est l’automne en ce moment à Paris. La clef ? Devant ce mode d’action ancien, archaïque, chrétien, résiliant qu’est la contemplation, se trouve une solution moribonde : l’inaction, l’attente passive, l’oisiveté, les drogue, etc. Face à ce qui nous paraît intraitable : la nature, la fuite de la lumière, l’arrivée du froid, de l’humide, face à ce rapprochement du destin inévitable des saisons sombres - de la mort - on ne doit pas espérer passivement ça/sa fin, on se doit d’agir. Les jours sombres ne sont seulement si sombres que ce que les yeux de leurs percepteurs veulent bien en voir. La lumière et la chaleur est en nous. Le paradoxe ? C’est qu’elle si proche et, de toute une vie, la plupart d’entre nous ne réussiront pas à la trouver. La solution pour la découvrir je ne la connaîs pas. Mais la méthode si. C’est l’action : l’écriture !

Ton ami

Laurent

PS Je t’assure que je vais très bien. T’inquiète pas pour moi, j’ai juste besoin parfois d’extérioriser autre chose que de la science po.