21 avril 2007

Mon jour de la Terre

Cette année, le Jour de la Terre tombe demain dimanche.
Il y a un an, le samedi 22 avril, Laurent était porté en terre.
Il pleuvait et c'était le Jour de la Terre.
Aujourd'hui, le samedi 21 avril 2006, le ciel est bleu; il fait 20°C; le printemps est enfin là.
J'ai pris mon café, au soleil, en lisant le Devoir.
Lundi, il y eu une bordée de neige. Mardi, un torrent de larmes pour noyer la folie meurtrière de Virginia Tech. Même à distance, la compassion pour ces parents que je ne connais pas est une épreuve supplémentaire.
Au versant réconfort, je découvre que ma caméra mini-dv et mon ordi peuvent lire les cassettes vidéos PAL que j'ai filmées à Paris avec Lionel Cauchois à l'été 2006; j'ai cru jusqu'à hier, qu'il me fallait les faire transférer en NTSC pour pouvoir les visionner; cette opération contribuait à retarder le moment où j'oserais plonger dans cette nouvelle étape. On pourra donc commencer en fin de semaine, Michèle et moi, à voir le récit des relations qu'entrenaient, avec Laurent, les étudiant(e)s qui l'ont accompagné en Chine.
Et j'ai aussi reçu ce courriel de Catherine, une de ses cousines:

Salut mon oncle,

C'est ta nièce bien évidemment.

Après un an de silence par rapport à la mort de Laurent et après avoir lu et compris comment les gens qui l'entouraient l'aimaient, j'ai écrit une lettre. Sûrement qu'elle est pleine de fautes d'orthographes, des erreurs de syntaxes, un peu de simplicité, mais beaucoup d'amour et un peu de perte de confiance en la vie (Normal, étant donné que je suis une adolescente).

Svp, j'aimerais que tu la publies sur le blogue.

Il y a eu deux morts qui m’ont marquée dans ma courte vie que je mène avec courage et honneur comme quelqu’un qui mord dans la vie. Celle de mon grand-père (Armand Ouellette), car je l’aime comme un père, et celle de Laurent, mon cousin, l’an dernier. J’ai appris sa mort un matin que je manquais de l’école pour aller passer des tests à l’hôpital. Si ça avait été un autre jour, j’aurais pu manquer une autre journée d’école, car je n’étais pas capable de comprendre pourquoi il était mort, mais surtout que quelqu’un comme lui ne méritait pas de mourir aussi bêtement; c’est pour cela que je n’ai pas été peinée à ce moment, car je n'y croyais pas vraiment.

Je ne crois pas en Dieu, ni en aucune religion, ni aux anges, mais je prie tout ce tas de belles personnes de faire en sorte qu’il y ait de la vie après la mort.
Sinon la vie est injuste jusqu’à son dernier souffle.

Laurent,

Je suis ta cousine et pourtant on ne se connaît pas plus qu’il le faut. Entre nous, il y a de nombreuses choses semblables en commençant par notre nom de famille, composé et comprenant Dupuis.

Pour moi, le plus triste de ta mort c’est que je n’ai jamais eu la chance d’avoir une discussion avec toi qui dépasse les blas-blas de résumé d’une année en quelques mots. ''Çà va bien à l’école?... Toi aussi... Joyeux Noël.’’ Puisque j’étais trop gênée, puisque tu étais trop beau.

Le plus triste pour l’humanité, c’est que sans toi, il n’y aura pas de justice. J’ai les mêmes valeurs par rapport à la politique, aux inégalités sociales et le rêve de voyager et de découvrir le plus de choses possibles, mais aucune diplomatie, car comme une Dupuis, je suis trop émotive. J’essaierai quand même de faire de mon mieux.

Je vais suivre un peu tes pas; en septembre, j’entre au cégep du Vieux Montréal. J’espère que, comme toi, en quittant le privé et en atterrissant au cégep public, j’aimerai la lecture; que l’école deviendra une passion plutôt qu’une obligation pour mener une bonne vie.

Un peu plus jeune, tu étais mon fantasme d’enfant. Beau. Je dois dire que c’est la seule raison qui meublait cette fantaisie, mais aujourd’hui si tu étais vivant et que je te connaîtrais comme je te connais après avoir lu le blog de ton père, je crois que je serais très triste d’être ta cousine.
Tu avais tout pour toi.

Au plaisir que ma prière s’exauce et qu’on prenne une bière ensemble un de ces jours.

Je t’aime
Catherine Dupuis-Ouellette