20 avril 2008

RETOUR DE CHINE

A beau mentir qui vient de loin. Ce serait bien difficile de raconter n'importe quoi, compte tenu de tout ce qui s'écrit de ce temps-là sur la Chine...À cause des olympiques ou du Tibet. En ce qui me concerne aucun de ces sujets ne faisait l'objet de mes préoccupations.
Je ne suis resté qu'en sa capitale: Beijing. Le gigantisme des infra-structures et des édifices en chantier, leur nombre quelle que soit la direction où l'on se retourne, la croissance exponentielle d'une flotte automobile très récente et étonnamment luxueuse, les vitrines dans beaucoup de quartiers des symboles du statut social de riche que sont les grands couturiers de Paris, Rome ou New-York, les grands joailliers du monde et les boutiques BCBG du monde entier n'ont d'égal qu'un smog presque permanent qui semble lui aussi installer à demeure.
C'est affolant de retrouver là-bas les symptômes si désolants de ce que nous entretenons depuis déjà trop longtemps ici en train de détruire la planète: la sur-consommation.
Contrairement à mes attentes, Beijing avait donc quelque chose de familier à mes perceptions d'occidental. Il me fallait quand même apprendre à me déplacer; le taxi çà va, à condition d'avoir sur soi, une carte d'affaire où l'adresse en chinois de la destination; non, les chauffeurs de taxi ne parlent pas anglais...Les parcours indiqués dans les guides tourisitiques recommandent l'utilisation de la boussole pour s'orienter.
Et cette mégapole n'est déjà plus ce qu'elle était quand Laurent y fut.
Là où il a été frappé par un autobus à deux étages du circuit #8, les bâtiments ont été rasés sur les deux côtés du périphérique #3. Des grues sont déjà en train d'y élever l'oeuvre de promoteurs immobiliers suffisamment convaincants pour amener les dirigeants du peuple à exiger que les résidents depuis plusieurs générations aillent se faire voir ailleurs; on m'a dit que les indemnités qu'ils avaient reçues avaient permis à plusieurs d'entre eux d'améliorer la qualité de leur hébergement. Là comme ailleurs, le capitalisme sauvage et la globalisation y font leur oeuvre sans égard pour la dignité humaine encore moins pour l'environnement. Et nous n'avons sur ce point pas de leçon à donner à qui que ce soit.
En me déplaçant à pieds ou en taxi,
j'ai vu la dernière porte que Laurent a franchie, la cour-arrière dans laquelle il s'est retrouvé, et les trois sorties de cette malencontreuse clinique du quartier des ambassades qui n'a su le retenir et lui prodiguer les soins dont il avait besoin; de Singhapour, au téléphone, le directeur de cette clinique n'a pas été en mesure de me dire par laquelle de ces sorties Laurent étaient passées malgré les dispositions mises en place pour sa recherche, à pieds et en taxi.
J'ai maintenant une idée de la distance qui sépare cette clinique, de l'hôtel où Laurent résidait.
J'ai imaginé et parcouru d'hypothétiques trajets depuis cette clinique jusqu'au lieu fatidique.
J'ai fait le parcours d'amies parties à sa recherche dans une direction opposée.
J'ai rencontré l'enquêteur du bureau de la circulation et son interprète, en présence d'une interprète de l'ambassade du Canada; il a aimablement répondu à mes questions et m'a remis le plan technique de l'accident.
J'ai dormi les trois derniers jours dans l'appartement 61843, le sien qu'il partageait, au Beijing Friendship Hotel; la chambre donnait aussi sur le périphérique #3.
Je me suis laissé baigner dans les environnements qu'il avait côtoyés: le restaurant du Palace, où il prenait le petit déjeûner; les jardins; la salle de conférence du comité DISEC du MUN, à la tour nord de la bibliothèque de l'université de Beijing; au marché de la soie, où il s'était fait faire deux habits; à la boutique de jade sur la route de la Grande Muraille, au Palais d'Été...
à la Place Tien'anmen...
J'ai tellement marché, tellement c'est grand, que le matin du départ, des problèmes respiratoires, commencés la veille pendant un dîner avec deux étudiantes chinoises qui avaient fait sa connaissance, m'ont fait perdre la voix...
Je comprends mieux physiquement et spacialement ce qui s'est produit...
Je comprends surtout, non sans une certaine horreur, ce qu'a pu être pour lui, à vingt-quatre heures du retour à Paris, ce dernier sprint, SEUL, abandonné, poursuivi, sans porte-monnaie, sans carte, sans pouvoir même demandé en chinois à un chauffeur de taxi de le ramener à son hôtel, sans autre document sur lui qu'un passeport canadien...
À retardement, la colère fait maintenant partie de mes sentiments...
Autrement, les Chinois et les Chinoises sont très gentils et le printemps 2008 était au rendez-vous avec au moins un mois d'avance sur ici...