31 mai 2009

MONTAGE 15

Dans la cour intérieur de Sciences Po, j’ai donné rendez-vous à Anne-Laure Peytavin, une autre étudiante du groupe à être allée en Chine. En l'attendant, je fais la connaissance de Oliver Gingrich; il était de l’expédition de ski, à La Plagne, fin février, début mars. Comme il a étudié l’audio-visuel, il m’offre de me donner un coup de main pour les entrevues. J’apprécie. Pas facile de filmer d’une main et de rester en excellente communication avec une personne .
Bizarre de cadre. Anne-Laure occupe la partie droite de l’écran; beaucoup d’aire dans le dos; trop au-dessus de la tête. Du moins par rapport aux conventions habituelles. Peut-être une façon de marquer que la disparition de Laurent a quelque chose d’exceptionnel.
C'est elle que Laurent a filmé, sur un petit clip, dans l'avion, au petit jour de leur arrivée en Chine.
Elle s’étonne elle-aussi, que nous n’ayons pas retrouvé dans ses affaires, dans son ordi qu’il trainait toujours avec lui le suivi de son travail sur la résolution de son groupe qui avait finalement été acceptée; modifiée évidemment.

Elle se serait laissé aussi dire que Laurent se sentait épié par des individus ou des adversaires. Un symptôme de paranoïa?

Et pourquoi pas,
un élément du grand jeu?
une observation planifiée d'analyse de comportement?
une séance de repêchage?

Pour Anne-Laure, la seule explication qu'elle pouvait donner, là-bas, à la modification de comportement de Laurent se résumait à la possible consommation d'une drogue. Pourtant le médecin-légiste chinois ne se serait sûrement pas privé d'en révéler l'existence si la moindre trace avait pu être détecté dans le sang de Laurent. Tout comme les analyses prises à la clinique d'ailleurs.

Sélection de douze nouveaux plans dont le contenu a été transféré sur fiches.

23 mai 2009

MONTAGE 14

J’ai traversé le Rhin.
Mais avant, à Cologne (Köln), j'ai fait une pause dans sa cathédrale gothique, plantée, gigantesque, monument le plus visité d’Allemagne, à deux pas de la nouvelle gare. Par recueillement, dans l’ombre des vitraux épargnés, Dieu sait comment, par les bombardements américains de la dernière guerre… et pour changer la cassette vidéo.
Le train pour Düsseldorf ne part que dans 30 minutes.
J’ai rendez-vous avec Sasha Peters, 19 ans, le seul membre du Disarmament and International Security Committee (DISEC) à avoir travaillé avec Laurent, qu’il me sera possible de rencontrer.
Il était à Beijing « …to work on a topic of preventing terrorism or…(sourire pour être politically correct) not terrorist but sub-national groups to acquire nuclear material and to prevent cross-border and transfer of these materials. » me raconte-t-il.

En fait le sujet officiel est :
Establishing Protocols To Prevent The Transfer Of Nuclear Weaponry And Technologies To Sub-National Organizations.

Je veux comprendre ce qui s’est passé dans ce Comité, le rôle que Laurent y a joué.
Ils ont formé une gang autant pour s’amuser que pour travailler. Ils ont joué leurs personnages de diplomate, représentants un pays qui n’était pas le leur, mais dont ils devaient défendre la position officielle, connue sur la base d’une recherche. Du théâtre, de l’improvisation bien préparée, un grand jeu, une simulation de cerveaux universitaires à l’oeuvre.
Le groupe de Laurent a surtout fait du lobbying.
Beaucoup. De la coulisse. Convaincre un à un d’autres délégués.
Pour en arriver à une résolution finale que Sasha considère très diluée.

À l’extérieur, Georges Bush pourfend l’Iran et la Corée du Nord de sa rhétorique guerrière.
Moins d’un mois plus tard, pressé par les aigles d’exercer des frappes préventives en Iran,
il préférera enfin la diplomatie et s’y tiendra jusqu’à la fin de son mandat.

Çà n’a rien à voir avec ce Harvard World MUN, organisé par l'une des plus prestigieuse université américaine.

Il est probablement paranoïaque d’imaginer que des services secrets puissent s’intéresser
à de si insignifiants échanges. Et il y a sûrement de meilleurs endroits pour observer et recruter des intelligences motivées par les relations internationales.

En mon propre âge naïf, j’ai pourtant souvenance d’avoir foncé tête première, dans un certain Colloque du Mont-Sainte-Marie, précédant le 1er référendum québécois et financé (à notre insu par Unité-Canada); tout y avait été mis en scène pour nous faire imaginer émotivement et rationnellement une constitution canadienne de 5 régions, en se servant des leaders de l’industrie cinématographique indépendante coast to coast. Enregistrement video complet pendant 5 jours.

Comment ne pas avoir en tête le montage d'un film visionné quelques années auparavant, LA SPIRALE; réalisé en 1974, par Armand Mattelart, ce documentaire fabriqué de matériel d’archives démontre comment les États-Unis avaient planifié le renversement de Salvador Allende au Chili. L'élément structurant est inspiré d’un “ jeu commandité en 1965 par le Pentagone à la Fletcher School of Law and Diplomacy et un think tank, ABT Associates Inc., de Cambridge, dans le Massachusetts. Politica… Ce qui est important dans un modèle de simulation – et les inventeurs du « kriegspiel » ou « jeu de la guerre » le savent de tout temps –, c’est la façon dont les maîtres du jeu testent un lot d’hypothèses sur l’évolution d’une situation afin de dégager les stratégies et agencements probables des différents joueurs. « Politica » testait plusieurs scénarios et mettait en scène toute une série de variables et de protagonistes.”


http://www.conflits.org/index17293.html

02 mai 2009

MONTAGE 13

La bobine suivante dont j'ai amorcé la sélection comporte les images de mon arrivée à Paris, enregistrées avec ma caméra Sony, TR17, avec laquelle j'ai traversé l'Atlantique et tournée "Une Histoire de Gars"; désormais, c'est celle-ci qui filmera tout ce qu'il me reste à faire. Lionel, le caméraman qui m'a généreusement donné son temps depuis le début de la semaine est reparti à sa vie familiale et professionnelle.
Rue du Dragon où je vais rencontrer Yumiko, sa cour intérieure, l'escalier qui mène aux troisième étage; l'appartement de Soushiant qui m'a offert son hospitalité près de la gare du Nord dans une petite rue où le plus vieux métier du monde se pratique dès la matinée; la soirée d'adieux des étudiants de Sciences Po qui débute sur le Champs-de-Mars, aux pieds de la tour Eiffel, version feux d'artifices et se termine par une traversée à la nage de la Seine, à laquelle se prêtent Soushiant et trois amis de Laurent, qui se foutent éperdument de mes objections...

À travers ce matériel, il y a ce plan d'un cellulaire (portable sous d'autres cieux) , celui de Laurent...En fait, il appartient à Paul, le coloc et grand ami montréalais qui lui avait confié pour l'Europe...

Je m'en suis servi tous les jours. Il suffit d'acheter du temps, et de s'inscrire...

Précieux objet, s'il en est, renfermant les coordonnées de toutes ces personnes qu'il m'importait de rencontrer; mon fils les avait côtoyées avec suffisamment d'intérêts pour être inscrites dans son annuaire numérique. Évidemment, son propre numéro avait une notoriété et une boite vocale qui me rendaient en retour facilement atteignable...

Cet appareil me réservait aussi une surprise; effectuant la même routine de branchement électrique que lui, la nuit , pour le recharger, j'appris malgré moi l'heure habituelle de son réveil matinal...
Laurent s'était programmé une sonnerie qui à nouveau allait rythmer le quotidien de son propre père, dans Paris, en Belgique et jusqu'en Allemagne; effectivement, sur le reste de la bobine, le train m'amène à franchir le Rhin jusqu'à Dusseldorf, à la rencontre d'un autre étudiant.