21 juin 2009

MONTAGE 17

Leila Bennis est marocaine. Il pleuvait dans la cour intérieure de Sciences Po. Nous avons dû pour faire l’entrevue, dans le temps dont elle dispose, nous installer dans la cafétéria. Nous sommes l’un à côté de l’autre dans le même axe. À l’arrière-plan, une grande fenêtre donne sur un terre-plein surélevé où passent et s’arrêtent des corps de jeunes femmes ou de jeunes hommes vus que de la taille aux pieds; dans le coin droit, l’escalier; l’image a de la classe. Plusieurs personnes par petits groupes se sont réfugiées à l’intérieur et discutent, rient, bougent, déplacent leur chaise. Comment les faire taire? Impossible. Le son est épouvantable.

J’arrive à sélectionner un seul plan de trois minutes dans une heure de matériel. Inutilisable. On perd des mots. J’ai hésité longtemps avant de le conserver. Sait-on jamais? Elle parle du Destin de Laurent et de l’effet que ce Destin a eu sur sa façon d’envisager dorénavant sa vie. Peut-être arriverais-je à n’utiliser éventuellement que la mise en scène, sans le discours.

14 juin 2009

MONTAGE 16

Il y a parfois des éléments facilement sélectionnables : les natures mortes. Plans fixes. La caméra reste immobile. Dans la mesure du possible. Surtout quand on la tient à la main.
Il y a plus d’une semaine, j’avais deux séries de plans de cet ordre à choisir :
-Un orage. Vue de la fenêtre sur rue du Dragon (sic), à partir d'une chambre de l’hôtel du Dragon (sic), à deux portes de l’appartement de Yumiko, Paris, Saint-Germain-des-Prés, dans le VIe arrondissement, juillet 2006.
Et.
-Sciences Po, toujours dans Saint-Germain, un samedi matin, les cours sont terminés: le hall, le banc central où s’est sans doute assis un jour Lo pour attendre Yumiko, à moins que ce ne soit l’inverse, l’ascenseur, l’escalier, des classes vides, la cafétéria avec au fond des ordinateurs disponibles, abandonnés àa leur virtualité…À chaque image, son son d’ambiance.

La vie, la mort en deux temps.

La vie. Un orage reste un orage dans sa fureur de vivre. Le vent. L'ombre. Un bruit sourd.
Une tonne de flotte qui vous tombe dessus avec la fraicheur et la sensation d’où l’on vient. Océan utérin.
Et le bruit du tonnerre des premiers sons effrayants, entendus à la naissance, à la sortie d'un passage dont on passe sa vie à chasser la saveur…

La mort. Un désert. Il ne se passe plus rien.

Fuck. Pourquoi moins avec le temps?
Notre job est fini.
Fuck.