17 mars 2007

PRÈS D'UN AN


Je pars en voyage.
Quelques heures à Paris y saluer Gabrielle,
Qui réside de ce temps-là à Bruxelles pour le spectacle Cavalia.
Puis, dépaysement total, La Tunisie.
Si tout se passe bien, retour le 3 avril.
Le 3. Ce jour où tu as choqué ton entourage et tes proches
En quittant brutalement ce monde.
Je ne pars pas pour t’oublier; c’est impossible.
J’ai même pensé aller à Genève
Où se tient le Model United Nations de cette année.
J’y aurais vu Jan-Christoph et Sascha que je connais déjà,
Aneesh qui continue à présider le comité DISEC et Suzan la dernière étudiante
À t’avoir vu vivant.
Mais, je suis très épuisé et je cherche un moyen de récupérer.
Pendant quelques jours donc,
Je ne serai plus en mesure
D’inscrire à la face du monde
Des bribes de toi, ce jeune homme qui se faisait,
Mon fils.
Cela me chagrine et m’est plus douloureux que je ne l’aurais cru.
J’ai l’impression de t’abandonner.
Je crains que cette pause n’accélère l’oubli de tes amis.
Je réalise du coup que ce lien électronique
Tente de te garder vivant pour l’humanité
Et transmet une manière de te porter dans mon cœur.
Et ce n'est pas la seule.
Papa

E-MAILS 2

To: Ryan Keech
Hey Ryan, heard you had a great time at the Kingston “Street festival” (???). Just wanted to say BONJOUR !!! to my conservative buddy. Hope that school is well. Looking forward to seing come to Montreal so that I can show you what Gilles Duceppe’s riding looks like- its where I live (heard about the poster, still puzzled). Explanation!?

Had a great summer, wish I would have had more time to debate with you. You’re a great guy.

Take care, keep in touch.

laurent

To: Myself
Dans moins de 24 heures, je serai dans un avion en direction de Paris. En fait, je serai en plein milieu de l’Atlantique, en centre même de l’espace temps qui sépare mon monde montréalais de ce monde, encore inconnu, parisien. Je ne ressens aucun stress ni envie particulière d’arriver et de commencer cette nouvelle vie. Je serai à l’IEP de Paris (Science Po Paris) pour les 10 prochains mois.

To: Michel O'neil
Bonjour Michel, je voulais vous remercier, toi et Francine, énormément pour le contact avec Kim Lefevre. L’appartement est vraiment excellent. On a, plus ou moins ingénieusement, trouvé le moyen de créer un certain niveau d’intimité. Le quartier est génial. Merci mille fois.

Je sais pas si vous avez reçu des nouvelles, mais Kim ne va pas très bien en ce moment. Elle devrait sortir de l’hopital d’ici quelques jours si je ne me trompe pas. Elle a dû subir plusieurs opérations importantes. Son fils nous tient au courant.

J’espère que vous allez bien.

Laurent Dupuis

PS Si jamais t’as besoin que je fasse une course pour toi à Paris: publication rare, etc, laisse savoir, ça va me faire plaisir.

To: everybody
Bonjour à tous et à toutes. J’espère que vous allez bien. Je suis présentement sur la terrasse d’un petit café au coin de chez moi (de la Roquette et Folie-Régnault) dans le XIe arrondissement à Paris. Il y a un peu plus de deux cents ans, un des événements symboliques les plus marquants de la Révolution française prit naissance sur la rue devant moi. Un nombre important de révolutionnaires français marchèrent sur la rue de la Roquette en direction de la Bastille (à 10 minutes d’ici), alors symbole austère de la répression monarchique, pour ensuite s’en emparer. C’est le point tournant de la révolution. Les Français ne l’oublient pas.

C’est un peu l’impression que j’ai lorsque je marche dans cette ville. Chaque coin a son histoire. On la ressent, on la voit, on la goûte, on y touche, on l’entend… C’est top niveau !!

Je termine demain mes deux semaines de vacances. L’uni. commence lundi (mais j’ai congé mardi, la toussaint fête des morts, ils sont fous ces Français !!!). Même si mes vacances ont été ponctuées d’interruptions journalières avec la bureaucratie française (carte de séjour, inscription pédagogique et administratives, banques, etc.), j’ai pu profiter pleinement de divers sites historiques et touristiques de la ville. De plus, toutes les préconceptions avec lesquelles j’étais arrivé semblent pâlir sous l’impression que cette ville me laisse, maintenant, après deux semaines (c'est peut-être un peu tôt, j’en conviens). Il a fait beau, les Parisiens sont des gens serviables et charmants et les prix sont beaucoup moins élevés que prévu. Impec !

Si mes sens ont été éveillés par ces deux premières semaines à Paris, mon attachement envers vous tous a sans doute été éveillé encore davantage. C’est peut-être la distance ou les bons moments passés avec vous avant de partir ou peut-être les bons moments que je n’ai pu partager avec vous. Vous me manquez.

Je vous salue, et j’en embrasse certaines, de Paris.

Laurent

To: Marie-France
Hey ma grande, j’ai entendu dire que la médecine c’est pas exactement juste du party…
T’avais raison, I was born to be a bourgeois. Paris, capital de la culture et de la diplomatie, c’est beau à vivre. J’espère que tu trouveras le temps de profiter de la vie malgré tes études. C’est une erreur que de trop travailler – de s’oublier- à un stade où ce sont les meilleurs années de nos vies que nous observons couler sous nos yeux. (Ça vient d’un work addict!)

J’espère que tu te portes bien; bosse pas trop et surtout n’oublie surtout pas qu’il ne faut pas nous nourrir après minuit.

Best regards

Laurent

To: Jacques Fontaine
Hey Jacques, j’espère que ton séjour au Japon se passe bien. Il paraît que c’est les premiers temps qui sont les plus dures. J’ai rencontré tes chums qui habitent sur Wilbroad et Kind Edward. Ils m’ont donné l’adresse de ton blog mais je l’ai égaré. Donne des nouvelles. Je vais peut-être partir direct pour le Japon à la fin de mon bac, soit dans exactement un an. Tiens-moi au courrant si tu planifies faire un tour vers Paris.

Best regards

Laurent

16 mars 2007

E-MAILS 1

Samedi le 8 oct 2005

To: Paul Mackan

“If a nation expects to be ignorant and free in a state of civilisation, it expects what never was and never will be.”

Jefferson

“When Americans hunger for selfless love and are fed only love of self, they will remain hungry, and to often hungry people just come back for more of the same.”

Bill McKibben, Harpers, August 2005, page 37.

There is, and perhaps always will be, a common thread that transcends our readings and our thoughts. Might it be because the relationship between thoughts and readings is deeply intertwined? Not quite sure what it is, but what I am certain of, is that the four-way connection between readings, encounters, conversations and thought gives some flavour to my existence.

A few moments ago, I found myself reflecting on our last conversation. As I was reading through my 2005 summer quote book, these two quotes walloped me. They appeared striking not so much because they are respectable quotes, but rather because they brought me back to the themes of our previous conversation. Sarah Lee’s account of the events that marked her early existence and mostly the evident difficulties encountered with the establishment in the McCarthy / post-WWII era would seem to concur with the lessons of an intellectual father of the US Republic (Jefferson_and a great writer (whom I know very little about.).

And so did your text: What is it we’re to remember? As a student of International Relations I read a lot about wars over the course of the past two years. In fact its what I read about the most.

I remember, when I first arrived at McGill, I was tacking three political science classes, two of which dealt with state behaviour. I was so affected by what I was reading, that, at one point, I thought I was having a mental break down. Never happened. What did happen though, was a gradual adaptation which would in turn lead me to become detached from the events that plagued the past centuries and also made me dependent, like a drug, to war and conflict studies. In fact, this emotional detachment was an inevitable condition to my continuation as a political science student. The great thing about Chris Hedges account of war and consequently What is it we’re to remember?, is that it forced emotions, realisations of the horror, back in to me. That is something that few books and articles written by war scholars are capable of doing today.
In fact, as I argued yesturday about economists, I think they strive the exact opposite.

I cannot really comment on the writing apart from the fact that it grounded me into the horror. The question that you ask, the title of the text, is perhaps the question all students ask themselves before drafting the backbone (essay plan) of a paper. More often than not, access to the darker dimensions or darker accounts of the winner’s (of war, allied countries in our case) war history or post-drama history is harder to find. And in the case that this material is available, one is forced to ask himself if he really wants (or if he is capable of going beyond the victorious myths of war) to be reminiscent of the atrocities committed not by his neighbours (countries), but by his grandfathers, friends or perhaps teachers.

Your question is the mother of all post-war questions – the question on which societies strive and in turn collapse. The questions that you (a person or nation) fail to confront always gets back to you in the end. If you look at the main diplomatic problems plaguing Eastern Asia (China, Japan, Korea) today, they all revolve over the recognition of the atrocities committed more than 60 years ago. For example Japan fails to recognise the fact that its army used Korean “comfort women” as sexual objects for soldiers during WWII. In the same strand, Japan refuses to officially recognise the fact that it conducted bacteriological warfare on Chinese soldiers. This failure to face the ultimate question: What is it we’re to remember?, is a menace to one of the largest and prosperous trade relations in the world today. The welfare of millions of Asian people relies on the recognition of the answer to this question by statesmen.

In this sense, your text is great. The writing is rich and to the point attaining an objective that few scholars or even writers are capable of realising; emotion.

Another peace of material that might help you develop this work is a Hollywood movie: Lord of Wars. It’s a film about the world’s largest gunrunner who is successful mainly because he refuses to ask that very question, to look deep inside himself. It was recommended by McGill’s Thomas Naylor, the worlds leading underground economy expert.

Best regards, keep in touch

Laurent


To: Gergana

Dear Gergana, I know very little of you. In fact, I think you and I spoke maybe three times in total. The first time we spoke was at a party: Andreas Norberg’s place in the fall of 2004 in the Plateau, Montreal. Then, we had a class together, European Foreign Policy last winter. I was shy of speaking to you because of what happened the first time I met you. I flirted with you. I thought you were an amazing person. Still do, even though I know little of you. Apparently, we only need a few seconds to know if we like people or not. Hope you remember me.

The one thing I do know is that your in Europe now. I’ll be in Paris for the next year. Can’t quite remember if you are in Paris, Bruxels or elsewhere but if you come by Paris, please let me know. I would be more than happy to meet with you. I know Andreas will be visiting me. I’m certain that he would like to see you as well.

I realise that this is a rather strange email. Hope you can go beyond the eerie appearance of this letter. Rest assured, this is not a seduction attempt, but rather, an effort to make up for a mist friendship opportunity.

Sincerely

Laurent Pauzé-Dupuis


To: Prof. Micheal Shapiro

Dear Professor Shapiro, it’s been while since we last spoke. I fear that you might actually not remember me. I’m the McGill student whom you met at the screening of After 911 by your colleague, prof. Der Derian.

A lot has happened since. Actually, I’m heading to Paris this week where I’ll be studying for the next 10 months. I was accepted at l’IEP de Paris for a year. That will give the occasion to look at IR from completely different perspectives. After which, I’ll be coming back to McGill to write my honours thesis.

I read a book written by Chris Hedges, War correspondant for the NewYork Times. War is a Force that Gives us Meaning is an extremely powerful book. It addresses a number of dimensions of warfare addressed in your work on the fog of war and political and cultural landscapes. I thought it might have been useful to you if you didn’t know it already.

Keep in touch.

Best regards

Laurent Dupuis, Montreal.

To: Julie Noel

Bonjour Julie

Je t’écris parce que ça fait une éternité que je t’ai parlé. La dernière fois, c’était sur le coin d’une rue. T’avais un truc de circulation routière sur le dos et t’avais une gueule de fille trop enmerdée par son boulot. Ton frère m’a dit que ton voyage au Mexique avait été soso. Je te comprends vraiment à ce niveau là. Les semaines que j'y ai passé malade ont été les pires de ma vie. Tu te reprendras sans doute en Asie. Tu pars quand ? Donne des nouvelles si tu veux.

Quant à moi, je pars jeudi pour Paris. Si t'as le temps et si çà te tente de prendre un verre, lâche-moi un coup de fil sur Ste-Éli.

Best regards

Laurent

15 mars 2007

Photo


M. Dupuis,

La photo a été prise par notre amie Julie-Anne Macdonald, lors de notre dernier diner ensembles. On avait travaillé les trois ensembles au Parlement pendant l’été, et Julie-Anne nous a proposé un dernier diner avant que Laurent parte pour la France.

Bien sûr mettez la photo sur le blogue si vous voulez – j’y vais souvent voir les photos et lire les mots de Laurent. A force de lire, j’ai souvent l’impression de l’entendre parler…c’est rassurant.

Camille Traverse
Le 13 février 2007

03 mars 2007

UN LIVRE UTILE 81

Le vendredi 30 sept. 2005
Comme à presque chaque occasion, où j’écris mes pensées dans ce livre, je me retrouve dans un état d’âme particulier. Soit choqué par un événement, une émotion ou encore la venue,-l’évocation- d’une idée nouvelle, je prends le temps d’inscrire ce qui marque ma vie.
La marque d’aujourd’hui prend un double sens. D’abord en relation avec ce livre, ensuite en relation avec ma propre perception de la vie et du mal. Je m’explique :
« The Voice of Fire »
Je suis présentement dans la cour intérieure du Musée National des Beaux-Arts du Canada. Nous sommes toujours en matinée, je crois. J’ai un peu perdu la notion du temps. Je ne porte pas de montre en ce moment. J’entends des chants comme j’entendais lorsque j’étais petit, à l’église, lorsque mes parents me forçaient de venir à la messe de minuit. Mon père y chantait parfois. À l’époque, je voulais rien savoir. Aujourd’hui, je tends l’oreille et je ressens l’énergie qui en ressort. C’est beau. J’en trouverai la source dans quelques moments.
J’ai passé les dernières heures à sillonner l’exposition européenne du musée. De sculptures de Napoléon de Canova aux impressionnistes (Manet, Pissaro, Van Gogh), j’ai vu et regardé sans être particulièrement impressionné. En fait, lorsque je suis entré, j’avais la ferme intention de trouver ce qui me faisait réellement tripper et pas m’arrêter uniquement aux grand noms, influencé par les noms et le prestige.
J’ai trouvé cette source d’inspiration auprès d’un tableau de Barnett Newman. Artiste américain de renom, il simplifie les formes et les couleurs au maximum. Trois bandes de couleur. Un rouge violet au centre et deux bleus foncés avec une teinte violette sur les côtés. À première vue, çà paraît tout simple. L’impression optique que cela crée lorsque la technique d’observation est appliquée correctement est fascinante. D’abord, on voit les bandes qui vacillent comme des flammes. Ensuite le tout s’illumine et la couleur change.
L’explication du tableau avec le guide audio-visuel est expliqué par un dénommé Claude Dupuis, le même nom que porte mon oncle. Il débite en expliquant qu’au XXe siècle, nous avons appris à survivre grâce au fait que nous maîtrisions le regard instantané. Il nous suggère d’arrêter ce mode dans le contexte de cette galerie et de regarder plus lentement. Il poursuit en expliquant le tableau.
Même si les côtés apparaissent droits, ils ne le sont pas. En fixant un côté, les couleurs s’intensifient, s’influencent. En tranférant notre regard de l’autre côté, on observe ce que Barnett Newman appellera «The Event».
On comprend cet effet optique en réfléchissant à ce que Newman a dit : «We are building cathedrals out of ourselves…Art is as much what takes place inside the spectator as it is the object on the wall…The meaning which we choose to bring to this pane will be determined by what we saw and also will reflect who we are.» So we become collaborators with the artist, responsible for our own vision. Being totaly free of approaching this expectation.
Cette illumination de tableau est une illumination pour moi. La constatation de l’ignorance de la technique pour regarder le tableau jumelé au petit temps consacré à son observation lors de ma première visite explique ma répulsion initiale envers ce tableau. Il prend en effet une signification toute particulière aujourd’hui. C’est grâce à ce savoir (le guide audiovisuel) et au fait que j’ai pris mon temps qu’est apparue cette double illumination (à la fois du tableau et de ma vie). Le secret c’est d’avoir le savoir et de prendre son temps.
Lorsque j’étais à Montréal en début de semaine, j’ai apposé un canevas sur un cadre. Une idée que j’avais eue il y a longtemps avec Ben et Serenga, de peindre le mur qui longe le devant de ma salle de bain. La toile me semble avantage appropriée étant donné la nature volatile et aussi fixe des situations de locataire. Bref, je crois qu’il serait peut-être une bonne idée d’y reproduire une toile de Newman, question de me rappeler ce moment que je viens de préserver, cette illumination.
Tout ceci sert à m’indiquer qu’il est peut être préférable désormais de me fier davantage aux sentiments qu’à l’esprit rationnel.
Lo



Vous aurez compris, ami(e)s, que ce jour-là, Laurent a cessé sa relation avec ce cahier de notes qu'il avait débuté le 6 octobre 2002. Il l'avait laissé dans sa chambre sur une tablette , avec sa pile de Harpers, une demande de permis de possession d'armes à feu à demi complétée, les livres albums de son parrain et marraine, quelques vidéo-cassettes et son diplôme d'études secondaires.
Treize jours plus tard, Laurent prenait l'avion pour Paris. Je ne le reverrais plus vivant.
Le décodage souvent ardu de sa calligraphie est terminé. Mais n'eût été de cet effort, je doute qu'il m'aurait été possible de saisir à ce point la complexité, la richesse et la profondeur d'une personnalité, fut-elle celle de mon propre fils. La vie moderne nous garde souvent hélas à la surface des choses. Le partage de ces découvertes-et j'en ai fait beaucoup- vous vous en doutez, va se poursuivre encore quelques temps. D'une autre manière. Autrement. Par les mots qu'il avait plaisir à échanger avec plusieurs d'entre vous par courriel.
Ce sera plus simple pour moi: copier, coller.
Peut-être aurez-vous le goût d'ajouter votre grain de sel ou une précision ou le contexte? Cela me fera grandement plaisir. Je n'en saurai jamais trop. Et vous seul, que je connais encore moins, mais qui l'avez fréquenté, pourrez étendre mon savoir de lui.
François, son papa.

01 mars 2007

1er mars 2006