14 février 2009

EN MONTAGE 8

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas.
Je termine la sélection d'extraits pour l'entrevue que j'ai faite avec Laura Stielke, une autre étudiante; elle est allemande et s'exprime dans un français fluide que je n'ai pas souci d'interrompre.
Nous avions commencé l'enregistrement devant la fontaine de Médicis, au jardin du Luxembourg; un gendarme nous a interrompu; nous n'avions pas d'autorisation. Nous devrions aller à la préfecture du Sénat nous en procurer une si voulions poursuivre. Il allait revenir dans "cinq minutes" et se disait prêt à dresser un procès- verbal si nous étions encore là. Laura n'avait qu'une heure de disponible.
Avec précipitation, il fallait chercher et trouver un autre endroit. Ce fut fait, mais je serais bien en peine aujourd'hui de le retracer. Ce très petit parc encastré dans un triangle de ruelles et d'une école primaire allait me fournir l'ambiance d'un échange fort émouvant dont je viens de tirer neuf plans. Ce sont les plus longs jusqu'à maintenant. Les quatre premiers retracent consciencieusement les moments clés où Laurent a graduellement manifesté sa fatigue et son désarroi. Quand ces souvenirs sont trop à vif, Laura bascule du français à l'anglais...
Les cinq derniers plans découpent notre dialogue en champs contre-champs sur la culpabilité, la prémonition, le réseautage, l'utilité du cellulaire de Laurent à Paris et trois photos prises à Beijing dont elle me fait cadeau.
La description et le contenu de ces éléments sont notés sur des cartons; je pourrai un jour les ordonner à ma convenance. Peut-être constitueront-ils un bloc? À Pékin, plusieurs images m'ont été inspirées par le récit de Laura et pourraient le rythmer. La tentation est forte de jouer avec ces éléments maintenant; il n'est pas exclu que je revienne à cette intuition plus tard. Mais comme il me reste une douzaine d'heures d'autres témoignages à analyser et à découper, je dois surseoir à ce désir.

08 février 2009

EN MONTAGE 7

J'étais très frustré la semaine dernière. De ne pas avoir trouvé le temps de passer par ici pour y glisser quelques mots. Mais surtout parce que je n'avais pas réussi à sélectionner les plans de la 2e bobine du tournage à Paris.
Il s'agit d'entrevues à la fontaine de Médicis aux jardins du Luxembourg avec Barbara Villamate Lopez et Ruben Moreno Zavala. Ces deux étudiants de Sciences Po ont des choses fort intéressantes à me dire; elle est de Sararagosse en Espagne; il est du Mexique. Ils étaient à Beijing. Ils ne s'expriment pas aisément en français; j'aurais dû leur demander de me répondre dans leur langue maternelle et y appliquer plus tard des sous-titres.
J'ai mal mené ces entretiens; je les interromps fréquemment, leur souffle des réponses, évite les silences qui leur permettraient de retrouver la fluidité de leurs propos. C'est épouvantable de faire une sélection dans un matériel ravagé pas mes interventions non avenues; je n'y arrive pas; je dois repousser l'échéance.
Je prends du retard?
Par rapport à quoi? Le temps a peu d'importance. Je n'ai aucune pression extérieure. Ici, le plus difficile est de vivre avec ses erreurs, ses faiblesses, de renoncer à ce que c'aurait pu être si... Je dois oublier l'énergie que j'ai eu à dépenser pour me rendre là... Les contraintes, la détermination, les efforts, les déceptions...
Car ceux et celles que j'aimerais un jour atteindre par le discours que j'élabore n'auront rien à foutre de ces épreuves.
Devant le petit ou le grand écran, on s'abandonne à un récit ; on s'éprouve dans l'écoulement d'un temps qui n'est pas le nôtre et qui pourtant s'adresse à nous. Le présent s'impose. Il n'y a que les amours mortes pour ralentir cette quête intérieure ou la mauvaise qualité de la réalisation pour se précipiter ailleurs.
Aujourd'hui, je me suis replongeai dans ces soixante minutes et j'en ai tiré 13 extraits
totalisant une quinzaine de minutes; je vais pouvoir faire une autre bobine vendredi prochain.